dimanche 23 décembre 2012

AVENUE DES GÉANTS


AVENUE DES GÉANTS

Qu'est-ce qui fait qu'on saute le pas ? Qu'on cède à ses pulsions? Quel est le déclic ? 

2,20m, 140 kg, un QI supérieur à celui d'Einstein. Voilà déjà un personnage qui sort du lot ! 

Dès les premières pages, on comprend qu'Al Kenner se trouve, de nos jours, en prison. C'est un homme étrangement attachant bien que peu convivial, qui ne semble pas dangereux, et pourtant, quelques pages plus loin, il nous raconte comment il a tué ses grands-parents paternels en 1963, alors qu'il n'avait que 15 ans.
L'auteur, Marc Dugain, choisit donc de nous mettre dans la tête d'un être infiniment complexe, un tueur à l'intelligence plus élevée que la moyenne, et la question qui sous-tendra le récit tout le long sera de comprendre comment un cerveau aussi brillant a pu céder à de telles extrémités. C'est ce que j'ai trouvé véritablement tragique.  

C'est un récit particulièrement troublant car la personnalité de cet homme est telle qu'on finit par éprouver de l'empathie pour lui. C'est un être extrêmement intelligent, qui semble posé, lucide, et aspirer à une certaine normalité. On a envie de croire qu'il est victime de son passé, de sa mère, de son physique, la faute à pas de chance comme on dit, ce qui expliquerait qu'il soit mentalement perturbé, mais en même temps, ne serait-il pas un fin manipulateur du fait de son intelligence justement ?
 

Cette biographie est inspirée de celle d'Ed Kemper dont l'auteur aura choisi de romancer la vie pour éclairer sous un angle nouveau et avec subtilité cette dualité entre folie et "normalité".  
Pour ceux qui ne connaissent pas Ed Kemper, il est conseillé de ne pas trop se renseigner sur sa vie car cela pourrait leur gâcher la surprise de la découverte, mais en réalité, on se doute assez rapidement des faits au fur et à mesure du récit, les indices sont là, bien que Marc Dugain laisse effectivement planer le doute, voire l'espoir.

Ce n'est pas un récit palpitant dans le rythme, les premières pages se déroulent un peu lentement. J'ai même eu peur de m'ennuyer car au départ, je ne me sentais pas particulièrement intéressée par l'histoire d'un type qui avait tué ses grands-parents. J'avais résumé dans ma tête, "bon, c'est un malade, un être qui va mal, on va pas en faire un roman...". Je n'étais pas particulièrement intéressée par la psychologie du tueur, qui me faisait penser à tous ces thrillers type profiler qui tournent autour de cette thématique. Je n'y voyais rien de neuf qui pouvait m'intéresser...
... jusqu'à ce que je réalise qu'Al Kenner était en fait infiniment plus fin et complexe que je ne le pensais, intrigant, touchant même, clairement perturbé, et en même temps, tellement sensé, et là, son récit a commencé à être fascinant. Les pages se sont tournées sans ennui, mais toujours à un rythme tranquille.

J'ai beaucoup aimé le style narratif, simple mais efficace, l'humour qui sous-tend certains dialogues, teintés de cynisme, percutants, et je me suis délectée des réflexions très justes et des vérités audacieuses qui jalonnent le récit. 
J'ai adoré la relation de Kenner avec Duigan et sa fille, j'ai trouvé cette partie-là particulièrement bouleversante, vraiment rien que d'y penser là, ça me remue, c'est tellement tragique !
Et ce que j'ai trouvé intéressant également, c'est le background historique, cette Amérique des années 70 dont les esprits sont encore bouleversés par la guerre du Vietnam. La génération hippie que l'auteur décrit via Al Kenner avec un certain cynisme m'a beaucoup amusée.          

Au final, malgré un début peu prometteur, c'est un récit qui s'est révélé bouleversant, qui m'a hantée longtemps après que je l'ai fini. La tragédie humaine. Ces actes qui nous échappent. Les questions sans réponse. La douleur des êtres...


Également commenté par GéraldineKeisha...


16 commentaires:

  1. Chouette billet, dis donc, qui révèle bien l'ambiguité du personnage et les réactions de la lectrice;
    Sauf erreur, Duigain et sa fille sont fictifs, non? Dugain a écrit un roman, je pense, aussi.

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    1. Oui, Duigan et sa fille sont totalement fictifs, comme bien d'autres éléments, notamment l'ex-hippie (j'ai oublié son nom...) qui lui rend visite en prison, et bien d'autres...
      Un roman inspiré de faits réels, réarrangés par l'auteur avec finesse pour essayer de comprendre la noirceur de l'âme humaine...
      En visionnant des reportages sur Ed Kemper après ma lecture, j'ai presque regretté que certains éléments aient été inventés par Marc Dugain pour combler les brèches, car je m'étais attachée à ces aspects de sa vie, mais dans les grandes lignes, et c'est ce qui est bluffant aussi, on retrouve bien son personnage et son histoire, véritablement fidèles à la réalité, à quelques détails près donc.

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  2. un livre qui marque
    je l'ai noté pour aller le trouver en biblio !

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    1. Oh oui, un livre marquant, autrement marquant que Lolita, tu verras.
      Hâte de te lire à ce sujet !

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    2. (je veux lire "tigre, trigre !" aussi !!)
      (le cacho fio, tu sais ce que sais ? réponse sur mon blog ;) )

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    3. Le cacho fio... euh... un mixte entre "cachalot" et "castafiore" ? Bon OK je sors et je vais aller voir la réponse sur ton blog.

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  3. Bonsoir A girl, j'ai trouvé ce roman remarquable tant du point de vue de la narration que de la façon dont Dugain se met dans "la peau d'un serial-killer" et le rend presque humain. Bon réveillon.

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    1. Bonjour Dasola, oui remarquable, c'est le mot ! L'auteur a réussi une vraie prouesse car le projet d'un tel roman n'était pas évident. Bonne digestion du réveillon !

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  4. Un livre tranquille mais complètement fascinant et sur le pire du mal ! Dingue !

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    1. C'est le parfait résumé, Géraldine ! Jusqu'au "Dingue !"

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    2. Au fait... Duigan, anagramme de Dugain !!! Petit jeu perso de l'auteur !

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  5. Il a vraiment l'air de plaire ce livre mais c'est vrai que le sujet n'attire pas beaucoup au départ.

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    1. Disons qu'on a l'impression de savoir déjà ce qu'il y a à connaître sur le sujet, mais c'est sans compter le talent de l'auteur pour broder autour des faits.

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    2. Bon et bien certainement à classer dans les prochaines lectures mais un peu plus tard quand même.

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    3. Limite, celui-là, je te recommanderais de le faire passer avant les patates de Guernesey ! Mais bon, encore une fois, question de goût...

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