lundi 18 avril 2016

BETTY BLUES


BETTY BLUES

Cet album, je me souviendrai toujours, quand on me l'a mis entre les mains, j'étais très dubitative. Enfin, non, même pas dubitative, mon avis sur cet album était tranché direct : répulsif ! Aucune envie de le lire.
Entre les affreux dessins qui ne semblaient pas s'arranger en feuilletant et une impression de chaos total, je n'arrivais pas à déceler ce que cet album pourrait avoir d'extraordinaire pour que j'y passe du temps.

Et puis je suis tombée sur des avis ici et là sur la blogo, tous d'un enthousiasme tel que ça en était hallucinant. Ça m'a tout de même intriguée, la curiosité est montée, mais quand je reprenais l'album, non vraiment ça ne passait pas. Tant pis.

Il a fallu un jour où j'étais prête à prendre n'importe quelle lecture au bureau  (j'ai une grande PAL dans un caisson) (tout ce que je ne prends pas le temps de caser chez moi) des fois que l'envie de lire me prendrait dans le métro. Le choix était difficile et stratégique. Il fallait que ça me fasse juste le temps du trajet retour (ma PAL maison m'attendant aussi), mais il fallait aussi que j'aie envie de lire ce livre. Par élimination, j'ai commencé à étudier le plan BD. Je suis alors retombée sur cet album. Je me suis dit, c'est le moment ou jamais !

Et là, au fur et à mesure que je tourne les pages, le charme opère. Celui de l'histoire, celui des illustrations, celui des couleurs. Sans que je m'en rende compte.
L'histoire est assez classique. Une histoire d'amour tragique où Rice, un canard trompettiste qui écume les bars pour gagner sa vie, perd sa fiancée Betty au bras d'un magnat de la finance sans scrupules. Il ne s'en remet pas, sa vie est anéantie, il perd le goût de la musique et s'en va en quête d'ailleurs noyer son chagrin. Pendant ce temps, notre belle Betty va réaliser que l'argent ne fait pas le bonheur.

Qu'est-ce qui a bien pu me charmer en fait dans cette histoire ?
Bon, déjà le fait que les personnages soient des animaux anthropomorphes. Il y a un côté mignon qui a su gagner mon coeur (ben oui, le pauvre canard...). La façon dont est racontée l'histoire aussi. On a ce côté doudou avec ces personnages, transposé dans un univers très adulte, saloon, bar, finances, jazz. Une réalité brute, avec les dialogues qui vont avec, qui remet tout en perspective.

Mais surtout, il y a ce spleen qui correspond si bien au blues et au jazz, qui suinte de toutes les planches et dialogues et atteint votre âme, touchant droit à vos émotions primitives, comme seule la musique peut le faire. Oui, quand j'y pense, cet album m'a fait le même effet émotionnel que quand j'écoute du saxo jazz. Quelque chose de plaintif qui vous remue tripes et âme, et vous transporte ailleurs. Il n'y a rien à faire contre cela, rien à expliquer à ce moment-là.
Bon, ce n'était pas aussi intense ici, mais il y avait de ça.

J'ai été sensible aussi à une certaine magie dans les planches. Une image pleine, répartie dans différentes cases, l'espace vide entre les cases qui a la même intensité qu'un silence musical, un gros plan sur un détail, bouleversant sans que l'on saurait dire exactement pourquoi. Sans doute l'imagination du lecteur à l'oeuvre en réponse à ces stimuli visuels. Et puis les dialogues, les personnages... J'ai adoré le hibou, entre autres !

Et cette fin ouverte, ou que l'on pourrait conclure, chacun suivant le degré d'optimisme ou de pessimisme, de blues ou de swing qu'on a dans l'âme, qui vous laisse le coeur essoré, la gorge nouée, allez, presque la larme à l'oeil.

"Je ne me doutais pas que l'on puisse éprouver autant d'amour à ce point pour quelqu'un ! Tout ça contenu dans un ridicule petit coeur de canard brisé. C'est pour cela que, malgré la déchirure, la vie reste si belle ! Nous somme si insignifiants dans ce monde et pourtant nous sommes capables d'éprouver des choses qui touchent à l'éternel..."

C'est-y pas beau et secouant ça ?

Mon regret, un album très, trop court pour que j'aie pu vraiment me rendre compte que j'avais été totalement sous le charme.
Un concentré d'émotions en quelques pages, finement distillées, qui diffuse juste l'essentiel.

L'auteur
Renaud Dillies naît à Lille en 1972. Son père l'initie au jazz, aux big bands, à Amstrong. Sa mère au rock, à l'école british, aux Beatles. Il s'inscrire plus tard en graphisme et arts décoratifs à Saint-Luc, à Tournai, puis étudie l'illustration à l'Académie des Beaux-Arts de Tournai. Alors qu'il pense laisser définitivement tomber la bande dessinée, Renaud Dillies remporte le Prix du Meilleur Premier Album à Angoulême en 2004 avec Betty Blues.

14 commentaires:

  1. J'ai aussi été très marquée par ce bel album !

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    1. Oui, on ne s'y attend pas comme ça, au premier abord, mais quel album plein de charmes !

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  2. J'aime bien l'idée de délester ta PAL maison avec celle du bureau...

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    1. L'idée étant d'avoir un choix de livres où piocher, où que je me trouve. Il y a bien évidemment les bib' à proximité, qui comptent aussi comme PAL, et en cas d'envie urgente, les librairies aussi qui font très bien l'affaire.;-)

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  3. Dillies est un magicien... et cet album un vrai bijou...! <3

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    1. Oui, une petite merveille ! Je suis moi-même étonnée de ce constat tellement j'étais convaincue que je n'accrocherais pas au départ. J'ai compris le talent Dillies et il me tarde de lire ses autres ouvrages !

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  4. Une histoire d'amour pareille a trouvé grâce à tes yeux ? Franchement, je n'aurais pas parié un kopeck là-dessus (mais je m'en réjouis parce que j'ai moi-même ADORÉ cet album).

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    1. Oui, je ne suis pas non plus hermétique à toutes les histoires d'amour même si souvent, j'y vais à reculons. D'ailleurs, cet album, et ça a joué en sa faveur, je l'ai abordé sans vraiment savoir de quoi ça parlait. Après réflexion, je pourrais dire que les histoires d'amour tragiques, malheureuses, impossibles, compliquées, trouvent souvent grâce à mes yeux. Ne creusons pas plus loin pour savoir ce que ça pourrait révéler de moi, haha !

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  5. Que dire... A priori, ça ne me tente pas du tout. Le côté canard dépressif à la Calimero, les dessins, etc. Mais comme tu es partie avec le même état d'esprit et que tu en ressors charmée, je me dis...

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    1. Je te comprends trop bien.:-) Franchement, je n'aurais jamais parié que j'aurais pu être conquise... et je l'ai été ! C'est une histoire assez simple dans sa ligne directrice mais l'auteur a vraiment réussi à y insuffler une âme.

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  6. Rien à voir, mais suite à ma réponse à ton commentaire chez moi, zarline dit
    Ha ha, A girl, si tu finis Proust, j'annulerai ta dette pour Tolstoi ;-)

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    1. Aahahahaha ! Bon mais cette année, il s'agit du tome 1, hein !

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  7. En effet, le dessin ne m'aurait pas vraiment attirée. J'ai aimé ton "ben oui, le pauvre canard".

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    1. Et moi j'aime bien ton comm' parce que figure-toi que j'ai failli l'enlever à la dernière minute ce "ben oui, le pauvre canard". Et puis j'ai décidé de laisser la spontanéité, les premières impressions brutes, s'exprimer.:-)

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