lundi 8 juin 2009

READING LOLITA IN TEHRAN


READING LOLITA IN TEHRAN

( LIRE LOLITA À TÉHÉRAN )

Dire que j'ai failli ne jamais lire cet ouvrage qui dort dans ma PAL depuis cinq ans par là, malgré ma grande curiosité pour son contenu, découragée lors d'une première tentative de lecture par la petitesse des caractères, puis repoussant tout autre essai par le sombre prétexte que de toute façon je n'avais pas lu Lolita encore et que donc je passerais certainement à côté de nombreuses références (qui n'étaient pas prêtes d'être comblées vu que, suite à un très mauvais souvenir de lecture des mémoires de Nabokov il y a plusieurs années, j'avais décrété que jaaaamais Lolita ou aucun autre livre de Nabokov ne figurerait dans ma PAL).

Finalement je me suis motivée cette année en l'inscrivant dans ma sélection pour le challenge Lire autour du monde, et bien m'en a pris car sans cette initiative, je pense que ce livre sédimentait dans ma PAL encore quelques années, sans que je me doute que je passais là à côté d'un grand moment de lecture passionnant et instructif !

L'originalité de ces mémoires tient dans le fait que Nafisi compare la situation en Iran, non pas aux évidents 1984 et autres romans d'anticipation sombres, pessimistes et alarmistes, mais à des romans auxquels on s'attendrait peu, tels LolitaGatsby le MagnifiqueOrgueil et préjugés, etc, des classiques de la littérature occidentale dont on ne voit pas trop au premier abord le rapport avec la choucroute, enfin plutôt le polow (plat iranien), pour rester dans le contexte...

Au-delà d'un cours magistral de littérature dont elle nous fait profiter à travers ce récit, Azar Nafisi nous dresse un portrait vivace et saisissant de l'Iran de ces dernières décennies, en témoin de la révolution islamique, de la guerre Iran/Irak et de la période suivant la mort de l'Ayatollah Khomeini, ajoutant à sa voix celles de son entourage, en particulier ses élèves, dont les confidences révèlent les dures réalités et les conditions de vie drastiques du peuple iranien, notamment des femmes, pendant cette période.

C'est en quelque sorte sa passion de la littérature qui lui permet de garder une certaine sanité d'esprit dans ce contexte qui rendrait fou de désespoir plus d'un, la fiction est une échappatoire mais permet aussi de mieux appréhender et analyser la réalité. Les rêves et les déceptions de ses élèves trouvent écho dans les oeuvres et les personnages qu'elles étudient, Azar Nafisi établit des similitudes entre les relations des personnages de fiction dans le rapport dominant/dominé, bourreau/prisonnier, et leur propre relation au régime iranien qui veut intervenir de force dans leur vie en la façonnant à l'image de son idéal, dans son intérêt et au mépris des libertés les plus élémentaires. Résultat, entre leur réalité et la fiction, les frontières sont minces tellement on a de la peine à assimiler leur vécu comme une réalité. J'ai dû d'ailleurs faire régulièrement des pauses pour me remettre de quelques chocs. La réalité dépasse parfois la fiction, des fois j'avais l'impression de lire des choses que je ne pensais lire que dans des romans type La Servante écarlate1984...

Quel contraste aussi entre l'humour de Marjane Satrapi sur les mêmes thèmes et le ton plus factuel et sérieux avec lequel Azar Nafisi les aborde! Non pas que l'humour irrésistible de Marjane m'ait complètement aveuglée sur la situation en Iran mais c'est en lisant Azar Nafisi que j'ai vraiment réalisé à quel point elle était dramatique et révoltante. J'étais vraiment révoltée d'ailleurs la plupart du temps pendant ma lecture, surtout quand je pensais que ce n'était pas de la fiction. Entre autres scènes qui m'ont marquée, il y avait celle des jeunes filles réprimandées par la milice iranienne tout simplement parce qu'elles mangeaient des pommes... de façon un peu trop sensuelle à leur goût...:-O  Tous ces interdits qui privent les femmes du moindre droit, qui les tourmentent à tel point qu'elles ne savent plus comment marcher ou s'habiller pour ne pas être soupçonnée de vouloir exciter le mâle à l'esprit mal placé, c'est vicieux et malsain je trouve...

Enfin bref, il y a une scène qui m'a fait rire aux éclats cela dit - et pourtant elle est aussi dramatique que le reste - c'est celle du musicien jouant du Gipsy Kings pendant un concert privé et qui devait se concentrer pour ne pas montrer qu'il prenait du plaisir pendant le morceau  (interdit, ça, ouh la! donc il devait faire la gueule et ne pas battre la mesure) - très dur sur une musique aussi rythmée que celle des Gipsy Kings! ^^ Si c'est pas sadique et inhumain, ça...

Et autre épisode qui m'a beaucoup plu et amusée, c'est celle du "procès" de l'affaire République islamique d'Iran vs Gatsby le Magnifique, mis en scène par Azar Nafisi et ses élèves ! Grandiose !

J'ai vraiment beaucoup aimé ce livre qui ne peut laisser indifférent, qui remue et suscite beaucoup de réflexions sur des thèmes variés allant de la littérature à la politique, dont les personnages nous touchent et nous hantent encore une fois le livre fermé.

Également commenté avec enthousiasme par Keisha, mais les avis désenchantés existent aussi sur ce livre.

L'auteure
Azar Nafisi, née à Téhéran, a fait ses études universitaires aux Etats-Unis. Elle vit aujourd'hui à Washington où elle enseigne à l'université John Hopkins. Lire Lolita à Téhéran a remporté le prix du Meilleur livre étranger 2004 et le prix des Lectrices Elle, catégorie Document, en 2005.

Lu dans le cadre du défi 
(DAL - 11 / reste 03 ^^)
(PAL - 1 ^^)

10 commentaires:

  1. Ce livre n'a pas "sédimenté" (j'adore cette expression!) ma PAL très longtemps , je l'ai découvert grâce à Emjy, et il faut le lire absolument (oui, carrément)j'en parle un peu icihttp://en-lisant-en-voyageant.over-blog.com/categorie-10867671.htmlDepuis, le livre de poche m'a envoyé Les pintades à téhéran (toujours dans la PAL), et, boostée par l'expérience d'Enna je me suis décidée et devine où je pars en vacances en juillet? Oui, là. J'ai commencé à entasser une chouette garde robe islamique. Le pays (mis à part l'ambiance ) est très très beau semble-t-il.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je viens de découvrir le billet d'Enna sur son voyage en Iran, son enthousiasme est effectivement très communicatif. C'est un coin de la Terre qui m'attire aussi mais pour l'instant je ne me suis contentée que des expos sur l'empire perse au musée du Louvre! Ah ça va être dépaysant, en plus oui, il faut penser à la garde robe! Ça, ça risque d'être un peu rébarbatif. En tout cas ça va être une expérience humaine très riche je pense, tu as fait un joli choix là pour ta destination de juillet!

      Les pintades à Téhéran, ça me parle! Mais je l'associais à une BD, je me trompe donc. Hop, LAL! (sans être allée sur un autre blog, c'est de pire en pire!).
      Je cours voir ton billet sur Lire Lolita à Téhéran!

      Supprimer
    2. Si tu veux rêver un peu plus, voici le blog d'un couple voyageur trouvé sur le web http://2009enroute.blogspot.com/ Il y a un passage en Iran (où ils ont fait du ski!) et actuellement ils sont au Pakistan puis Chine...Y'a des veinards...

      Supprimer
    3. C'est clair! Leur périple fait rêver! Bientôt une réalité pour toi , enfin arrête toi avant le Pakistan et la Chine qu'on puisse lire ton compte-rendu de ton séjour en Iran sur ton blog! (dis donc, c'est comme les LAL là, je viens de me noter l'Iran en destination à ne pas rater ).

      Supprimer
  2. très joli billet qui donne vraiment envie de découvrir ce livre. Concernant Lolita, selon moi, tu ne manques rien et je te rejoins dans le groupe des Nabokofophes après celui des grumeauphobes et keisha, une amie est rentrée d'Iran l'année passée enchantée, des paysages, des gens etc. Je me réjouis donc d'avoir des nouvelles de ton périple.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, malgré les solides arguments de Nafisi, je ne suis toujours pas tentée par Lolita, au contraire, ses commentaires (bien qu'élogieux) m'ont bien confortée dans l'idée que ce livre n'était pas pour moi. Tant mieux si tu le confirmes!
      J'attends avec impatience aussi le compte-rendu de voyage de Keisha. Celui d'Enna, que je viens de découvrir, donne vraiment envie de découvrir ce pays et ses habitants.

      Supprimer
  3. Tu me donnes très envie de le lire...d'autant que comme le dit keisha, je suis allée en Iran et que la condition des femmes là-bas me touche beaucoup! je l'ai déjà noté depuis un moment, mais je vais faire en sorte de le lire très bientôt!! (Je vais vite ajouter ta carte postale à celle du challenge!)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je viens de découvrir ton récit de voyage en Iran, fascinant et vraiment intéressant! C'est tout à fait le genre de voyage qui me plaît, à l'aventure et à la découverte de l'inconnu, aller au devant des échanges culturels avec les habitants, et repartir avec une expérience humaine enrichissante dans ses bagages! Tu as dû en avoir plein les yeux!
      Et je rejoins Keisha pour le livre, à lire absolument!

      Supprimer
  4. Ta chronique m'a convainque de le lire ! Je ne m'y connais pas du tout sur la littérature iranienne sauf un seul que j'ai lu et que j'avais beaucoup apprécié. Grâce à toi je pense m'y pencher sérieusement !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'aime vraiment beaucoup la littérature iranienne ! Du moins, pour l'instant je n'ai jamais été déçue, et même, ça m'a toujours plutôt enthousiasmée. Je suis curieuse du livre que tu as lu !

      Supprimer

Merci pour votre petit mot. Les commentaires sont modérés par défaut, mais j'y réponds toujours.